Depuis que j’ai décidé de m’inscrire en orthophonie à l’université, je me rends compte que le métier et le rôle de l’orthophoniste sont encore très peu connus dans la population générale. Je me suis fait demander un nombre incalculable de fois si j’allais travailler avec les pieds, les oreilles ou les dents. En fait, l’orthophoniste est le spécialiste de la communication (domaine très vaste qui inclut toutes les raisons pour lesquelles on voudrait entrer en relation avec les autres), du langage (qui est un peu plus spécifique au message que l’on souhaite transmettre), de la parole (donc le geste moteur pour parler), mais aussi de la déglutition. Cette dernière partie est encore moins connue que tout le reste, mais pourtant nous devons avaler avec les mêmes organes qui nous permettent de parler, donc le lien entre eux est très important. Lorsque la déglutition est problématique de façon développementale, c’est-à-dire depuis l’enfance, on parle probablement d’un trouble orofacial myofonctionnel, qu’on appelle communément TOM.
Ça veut dire quoi le TOM?
Avant d’entrer dans les détails du TOM, il serait pertinent de savoir exactement ce que ces mots veulent dire. Si vous vous souvenez de vos cours de français du secondaire, vous savez que les mots peuvent être composés de préfixes et de suffixes. C’est ce qui nous aide à comprendre la définition du TOM. Le préfixe “oro” signifie bouche, tandis que “facial” signifie visage. Le préfixe “myo”, quant à lui, signifie muscle et “fonctionnel” veut dire la fonction ou fonctionnement. Le trouble orofacial myofonctionnel veut donc dire que les muscles de la bouche et du visage ne fonctionnent pas bien. Par “ne fonctionnent pas bien”, je ne veux pas dire qu’ils ne fonctionnent pas du tout, mais plutôt qu’ils ne fonctionnent pas de manière optimale.
Bien que peu connu, environ 40% de la population présente un TOM! C’est presque une personne sur deux! Certains cas légers peuvent ne jamais être détectés, ce qui augmenterait encore plus cette proportion. Toutefois, pas de panique si vous vous rendez compte en lisant cet article que vous avez peut-être un TOM parce que ce n’est pas une problématique qui est considérée comme étant “grave”. En effet, dans les services publics (CLSC, centre de réadaptation ou écoles), les orthophonistes n’ont pas le mandat d’intervenir auprès de la clientèle TOM. Il faudra donc se tourner vers le privé pour le corriger.
Maintenant que nous comprenons tout ce que veut dire le TOM, voyons voir concrètement comment il peut se manifester.
À quoi est-ce qu’on s’attend dans nos bouches?
Depuis avant notre naissance, quand on était encore dans le ventre de notre mère, la bouche avait déjà plusieurs fonctions. En effet, vous avez probablement déjà vu une échographie d’un bébé qui suce son pouce! La succion et la déglutition sont des fonctions qui sont présentes avant même notre naissance. Il ne faut pas oublier la respiration qui implique aussi la bouche. Plus tard, lorsque les dents sont poussées, la mastication s’ajoute à ces fonctions. La bouche sert donc à la respiration, à la succion, à la mastication et à la déglutition. Dans toutes ces fonctions, la langue a un rôle majeur pour assurer le bon fonctionnement.
Au repos, ce qui veut dire quand on ne parle pas, quand on ne mange pas et quand on ne court pas un marathon, notre langue devrait être placée sur le palais. Le bout de la langue est juste derrière les dents du haut et toute la langue devrait se coller pour créer une légère succion, comme quand on claque la langue pour faire le bruit du cheval. Les dents devraient être presque collées, mais pas serrées ensemble, et les lèvres devraient être fermées doucement. La respiration se fait donc par le nez. En effet, il est impossible d’avoir la langue collée au palais avec la petite succion voulue et respirer par la bouche! Essayez si vous voulez, idéalement quand personne n’est autour de vous parce que vous risquez de faire des drôles de bruits.
Comment arrive-t-on au TOM?
Le TOM est très souvent en lien avec le mauvais positionnement de la langue au repos. Mais pourquoi la langue ne se place pas comme il le faut, me direz-vous? Il faut retourner voir les fonctions de la bouche. Souvent, ça commence dès la respiration. En effet, un enfant qui est souvent congestionné, par exemple, et qui doit respirer par la bouche pour survivre, on s’entend, ne pourra pas placer correctement sa langue sur son palais. Si la langue ne se place pas sur le palais, elle ne peut pas l’aider à l’élargir pour devenir moins étroit et profond. Mais saviez-vous que le palais, qui est le plafond de la bouche, est aussi le plancher du nez? Donc si le palais ne s’élargit pas suffisamment, les voies nasales peuvent ne pas se développer suffisamment. On entre ensuite dans un cercle vicieux de survie parce que le nez ne fournit pas à nous donner tout l’oxygène nécessaire, donc on respire par la bouche, donc la langue n’élargit pas le palais, donc les voies nasales sont plus petites, donc le nez ne fournit pas à nous donner tout l’oxygène nécessaire… À ce moment-là, la langue doit se trouver un autre endroit pour se placer pour passer le temps quand on ne l’utilise pas pour parler ou manger.
La respiration n’est pas la seule cause possible des TOM. Des fois, même si on peut bien respirer par le nez, la langue ne se place pas au palais pour une autre raison. Très souvent, c’est par habitude. Que ce soit parce que la respiration par le nez a été difficile à un moment ou à un autre, à cause de la succion de la suce ou du pouce, ou bien sans qu’il n’y ait une cause claire, la langue n’est juste pas assez forte pour se lever et se coller sur le palais.
À la place, la langue pourrait se placer quand même un peu sur le palais, mais en s’appuyant sur les dents du haut pour un peu de soutien ou bien être basse et s’appuyer sur les dents du bas ou bien même s’avancer pour se placer entre les dents du haut et du bas. Le problème quand la langue se mêle aux dents, c’est que même si ça ne paraît pas, la langue est plus forte que les dents. Ça veut dire qu’à force de s’appuyer sur elles, la langue pourrait les faire bouger! Elle pourrait même bloquer le développement des dents si elle devient un obstacle trop important pour que la dent continue de pousser. C’est là que le dentiste et l’orthodontiste deviennent impliqués habituellement et risquent de vous référer en orthophonie avant de commencer un traitement avec appareils et/ou broches. Il faut aussi faire attention parce que même si les broches viennent en renfort aux dents et réussissent à les replacer en combattant la langue, les broches ne seront pas là pour toujours et quand vous les enlèverez, il se pourrait que la langue veuille se venger et reprendre l’espace qu’elle occupait. Les dents pourraient donc rebouger et ce n’est pas vraiment le but après avoir investi autant d’argent dans les traitements orthodontiques. Assurez-vous donc de dompter la langue en la replaçant au bon endroit grâce aux exercices de l’orthophoniste.
Le déplacement des dents n’est pas le seul impact qu’on peut facilement observer chez les TOM. Un autre impact important qu’on peut voir est sur la parole. Si la langue se place sur ou entre les dents pour dire les sons, il se pourrait très bien qu’ils ne sonnent pas tout à fait comme ils le devraient. Le zozotement et “parler sur le bout de la langue” sont les termes qui sont le plus souvent utilisés et qui désignent le sigmatisme, qui est le trouble d’articulation habituellement associé au TOM. Plusieurs personnes peuvent avoir un sigmatisme sans que cela n’affecte leur qualité de vie. Par contre, d’autres pourraient en avoir conscience, ce qui peut affecter leurs relations avec les autres et leur confiance en soi. Dans ce cas, n’hésitez pas à consulter en orthophonie!
Pendant qu’on mastique et qu’on avale, la langue peut également s’appuyer sur les dents et contribuer à leur déplacement et à une déglutition nommée atypique. Bien que ce soit rarement la raison pour laquelle les gens vont consulter en orthophonie, la déglutition sera toujours travaillée pour assurer le maintien des acquis de la langue. Et si vous pensez qu’on ne mange pas si souvent dans la journée, donc il ne devrait pas avoir trop d’impact sur les dents, détrompez-vous! On avale inconsciemment de la salive entre 1500 et 2000 fois par jour!! Ça commence à avoir un impact sur la langue tout ça! C’est pourquoi il est important de travailler la déglutition durant la thérapie pour un TOM.
Comment peut-on le corriger?
La langue est un gros paquet de muscles, alors on va la travailler comme on travaillerait presque n’importe quel muscle du corps: en faisant de la musculation! Comme pour un entraînement, on va améliorer la force et l’endurance de la langue à l’aide d’exercices et d’outils pour la rendre plus forte, plus mobile et plus endurante pour qu’elle puisse se placer correctement sans avoir à y penser par la suite. Comme pour aller au gym, la thérapie du TOM demande de la motivation et de l’assiduité, mais rassurez-vous parce qu’on a plusieurs trucs dans notre sac pour rendre les exercices le plus agréable possible.
Bref, les troubles orofaciaux myofonctionnels sont assez nombreux dans la société, mais la bonne nouvelle est qu’ils se travaillent relativement facilement avec de la motivation et de l’assiduité. La détection du TOM se fait très souvent par le dentiste ou par l’orthodontiste, c’est pourquoi nous travaillons en équipe pour avoir la bouche la plus optimale possible. D’autres professionnels peuvent aussi être impliqués durant le traitement du TOM. Que ce soit l’ORL pour bien regarder à l’intérieur du nez que l’air puisse bien passer, l’ostéopathe pour s’assurer que toutes les parties impliquées puissent bien bouger ou l’ergothérapeute qui pourrait améliorer la sensibilité dans la bouche, nous sommes une belle équipe prête à vous aider à retrouver des fonctions orofaciales optimales.
N’hésitez donc pas à nous contacter en cas de doute! Pour en apprendre davantage sur différents troubles pris en charge par l’orthophoniste, visitez notre blogue ainsi que nos réseaux sociaux.