Cette semaine, je veux vous parler d’un outil très intéressant autant pour les enseignants, orthopédagogues et orthophonistes que pour les parents. Il s’agit en fait d’un livre intitulé ÉOLE qui est basé sur une étude française réalisée par Béatrice et Philippe Pothier. Le but de cette étude, réalisée en 2003 sur des sujets présentant un apprentissage normal de l’orthographe (et non sur les troubles de l’orthographe) était de se questionner et de créer des outils pour enseigner efficacement l’orthographe.
Je connais cet outil depuis plus de 5 ans et je dois dire que je le garde comme une bible sur ma table de travail. On peut faire plusieurs constats à partir de cette recherche, mais actuellement, la réflexion que je me fais à chaque fois que je le consulte est: « comment se fait-il que cet outil ne soit pas connu de tous? ». Peut-être que je l’idéalise, mais il m’est tellement utile que je ne peux que répandre la nouvelle.
Il est organisé comme un dictionnaire, par ordre alphabétique et on y retrouve plus de 11 000 mots du primaire. Un pourcentage de réussite est attribué pour chacun des mots et ce à chacune des années scolaires. Ainsi, on y verra que le mot «maison» est réussit par 85% des élèves de première année et par 100% des élèves de la 2e à la 5e année. Ceci nous permet donc de déduire que ce mot est fréquemment employé par les jeunes du primaire et que dès le début de leurs apprentissages de l’écriture, 85% des enfants réussissent à apprendre à l’écrire. Ce mot est fréquent et il est normal que l’on veuille que nos élèves apprennent à l’écrire, mais il présente néanmoins une difficulté car on pourrait l’écrire mézon, mèzon, meison, meizon…. On pourrait donc se dire que c’est la même chose avec le mot «carotte», mais l’étude Éole nous fait remarquer que ce mot n’est réussit que par 20% des enfants de première année. C’est en quatrième année qu’une majorité d’enfants le réussisse (79%). Vous vous demanderez sûrement pourquoi. Et bien, une des raisons est probablement le fait qu’on écrive peu souvent des phrases avec «carotte». Il y a aussi le fait que ce mot comporte une consonne simple et une consonne doublée. Un enfant pourra donc souvent se demander si c’est le /r/ ou le /t/ qui est doublé.
Il est important de ne pas prendre cette étude à la lettre et de ne se fier qu’à des résultats bruts. Ce livre n’a pas pour but de dire :«ah et bien on ne montrera le mot carotte qu’en 4e année». Je crois plutôt que cela nous permet de nous questionner sur le but que des enfants de première année apprenne le mot «carotte». L’intention pédagogique derrière le fait d’apprendre à orthographier des mots n’est-elle pas en bout de ligne de les réutiliser dans un texte? Si on juge que ce mot n’est pas si important (car en réalité, écrivez-vous souvent le mot carotte dans un texte?) et qu’on puisse le faire apprendre plus tard, et bien on décidera peut-être de leur faire apprendre des mots fréquents qui sont facilement réussit à leur niveau d’apprentissage. Il ne faut pas non plus oublier que la mémoire étant ce qu’elle est, un enfant exposé fréquemment à ses erreurs d’orthographes a beaucoup de chances que sa mémoire encode ses erreurs plutôt que la bonne forme.
Quoiqu’il en soit, cet outil est génial et bien fait et on se doit au moins de le regarder afin de se demander comment cet outil pourrait enrichir notre pratique professionnelle ou bien comment il pourrait aider nos enfants (si on est un parent). À tous les moins, il nous permet de nous questionner quant à la manière dont l’enseignement de l’orthographe se fait et nous donne des pistes sur les mots à faire apprendre aux enfants selon leur niveau scolaire.
Auteurs: Philippe Pothier et Béatrice Pothier
Éditeur: RETZ
ISBN: 9782725623955 (2725623952)