Mythe no. 1 : « Il faut attendre vers l’âge de 4/5 ans, avant de consulter en orthophonie ».
Réalité :
- Déjà, beaucoup de choses peuvent être faites avant même de consulter en orthophonie.
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- Par exemple, des exercices pour stimuler la sensibilité et le tonus des lèvres, des joues et de la langue, peuvent être effectués, en consultant un ergothérapeute, afin de mettre en place les prérequis de l’articulation (Stoel-Gammon, 2001).
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- Ou encore, l’on peut consulter une consultante en lactation afin d’assurer un allaitement réussi, étant donné les bienfaits reconnus du lait maternel sur la santé de l’enfant, et la croissance de son cerveau, ainsi que le développement de la mâchoire, des dents, et des muscles du visage et de la bouche (Académie de Pédiatrie Américaine, 2012).
- Puis, il y a tout un développement qui peut se faire au niveau des prérequis durant la période prélinguistique, en collaboration avec l’orthophoniste.
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- Par exemple, le développement d’un babillage plus complexe est lié, plus tard, à de meilleures performances en langage et en parole (Stoel-Gammon, 1998).
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- Par ailleurs, on peut faciliter le développement du vocabulaire expressif en étant particulièrement réceptif aux productions vocales du tout petit, afin de continuellement les rapprocher, de manière contextuellement appropriée, à des mots vrais (Buckley, 1993).
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- Enfin, l’on sait que les enfants avec une trisomie 21 développent un peu moins le regard référentiel (= regarder un objet afin de provoquer un commentaire verbal chez l’adulte) (Berger, 1990). En conséquence, il s’agit d’être proactif en fournissant, quand même, des commentaires riches et contextuellement appropriés aux expériences de la vie quotidienne de l’enfant.
Mythe no. 2 : « L’enfant avec une trisomie 21 ne développera son langage qu’avec l’aide d’une orthophoniste ».
Réalité : Le développement du « langage académique » dépend de l’investissement des parents dans la lecture partagée d’histoires avec leurs enfants, et dans leur engagement dans des conversations sur des sujets intéressants (Henrichs, 2010).
Mythe no. 3 : « Ils ont déjà de la difficulté à apprendre à parler une langue, il ne faut pas les surcharger en leur en imposant une deuxième ».
Réalité : Selon Kay-Raining Bird (2008), d’après les résultats des recherches dans le domaine, il semble tout à fait indiqué de soutenir les familles dans leurs efforts pour développer le bilinguisme chez leur enfant avec une trisomie 21.
Mythe no. 4 : « Il faut absolument passer par le langage gestuel ».
Réalité : Ce qui est intéressant avec le langage gestuel c’est que cela rend les adultes attentifs aux tentatives de communication non verbale chez les tout petits. C’est cette réceptivité qui facilite le développement du langage verbal chez l’enfant (Bruner, 1983). En somme, il s’agit de développer conjointement le langage verbal et les signes (Powell & Clibens, 1994).
Mythe no.5 : « Il faut des prérequis avant d’apprendre à lire ».
Réalité : Les enfants avec une trisomie 21 ont une mémoire visuelle beaucoup plus efficace que leur mémoire auditive, contrairement aux enfants avec un développement typique. Selon Buckley (2000), les enfants avec une trisomie 21 peuvent apprendre à lire, dès le préscolaire, en même temps que d’apprendre à parler, les deux habiletés s’influençant mutuellement.
Mythe no. 6 : « Il n’y a pas grand-chose à faire pour améliorer l’articulation chez les individus avec une trisomie 21 ».
Réalité : Malheureusement, la dyspraxie verbale est sous-diagnostiquée chez les individus avec une trisomie 21. Du coup, les interventions ne sont pas nécessairement très bien ciblées (Shriberg & Widder, 1990). Mais, selon Buckley (1993), si l’on intervient, l’intelligibilité s’améliore, comme chez n’importe qui !
Mythe no. 7 : « Regarder les émissions « éducatives », ça ne peut pas faire de mal à bébé ».
Réalité : D’après Christakis (2009), l’exposition à la télévision, avant l’âge de 2 ans, est liée à des retards de langage, puisqu’une télé allumée a pour conséquence de diminuer significativement les interactions verbales entre le bébé et les adultes de son entourage. En vérité, les enfants ont besoin d’être activement engagés avec des adultes à leur écoute pour pouvoir apprendre de nouveaux mots (Krcmar, 2007).
Mythe no. 8 : « À un moment donné, les apprentissages plafonnent ».
Réalité : Il n’y a pas de plafonnement linguistique (Chapman et al., 1992) : les données des recherches indiquent que le développement des phrases se poursuit au-delà de l’âge de 20 ans, et que le développement du vocabulaire se poursuit tout au long de la vie, comme chez tout le monde.
Mythe no. 9 : « Les Systèmes FM sont réservés aux individus présentant une déficience auditive ».
Réalité : Selon Flexer (1997), tous les élèves peuvent tirer avantage d’un système FM, qu’ils présentent, ou non, un trouble d’apprentissage. Chez les individus avec une trisomie 21, la discrimination des sons dans les mots est améliorée, ce qui améliore la perception de la parole et, en conséquence, la compréhension du langage.
Mythe no. 10 : « Cela relève de l’impossible d’allaiter un bébé avec une trisomie 21 ».
Réalité : Il suffit de bénéficier d’un bon support et de bonnes informations pour avoir les meilleures chances de réussite (Valentine, 2015 ; Lewis & Kritzinger, 2004). Vu les impacts positifs sur le développement de la sphère orale et de la santé, particulièrement chez les nourrissons avec une trisomie 21, ça vaut vraiment la peine d’essayer !
Comme le souligne Buckley (1993), il faut traiter les enfants avec une trisomie 21 comme n’importe quel enfant !
Bibliographie :
American Academy of Pediatrics (2012), Goldman.
Berger, J. (1990) Interactions between parents and their infants with Down syndrome. In Cicchetti, D. & Beeghly, M. Children with Down Syndrome: a developmental perspective. Cambridge.
Bruner, J.S. (1983). Child’s Talk. Cambridge: Cambridge University Press.
Buckley, J. S. (2000) Teaching reading to develop speech and language. Presented at the 3rd International Conference on Language and Cognition in Down syndrome, Portsmouth, UK, September 6-8.
Buckley J.S. (1993). Language development in children with Down syndrome – Reasons for optimism. Down Syndrome Research and Practice;1(1);3-9.
Buckley, J.S. (1993). Developing the speech and language skills of teenagers with Down’s syndrome. Down’s syndrome: Research and Practice, 1, 63-71.
Buckley, J.S., Bird, G., Sacks, B. & Archer, T. (2006). A comparison of mainstream and special school education for teenagers with Down syndrome: effects on social and academic development. Down syndrome Research and Practice, 9(3), 51-67.
Chapman, R. Schwartz, S. E., Kay-Raining Bird, E. (1992). Language production of older children with Down syndrome. Paper presented at the 9th World Congress of the International Association for the Scientific Study of Mental Deficiency. Queensland, Australia, August 1992.
Christakis, D.A. (2009). Audible Television and Decreased Adult Words, Infant Vocalizations, and Conversational Turns: A Population-Based Study. Archives of Pediatrics and Adolescent Medicine, 163 (6): 554
Flexer, C. (1997). Individual and sound-field FM systems: Rationale, description, and uses. The Volta Review, 99(3), 133-162.
Gros-Louis, J; J. West, J.M; P. King, A.P. (2016). The Influence of Interactive Context on Prelinguistic Vocalizations and Maternal Responses. Language Learning and Development, 2016.
Henrichs, L. (2010). NWO (Netherlands Organization for Scientific Research). “Talking seriously with children is good for their language proficiency.” ScienceDaily. 17 May 2010.
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Krcmar, M. (2007). Wake Forest University. “Turn Off TV To Teach Toddlers New Words.” ScienceDaily. 2 July.
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Shriberg, L., & Widder, C. J. (1990). Speech and prosody characteristics of adults with mental retardation. Journal of Speech and Hearing Research, 33, 627-653.
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Vulchanova, M. (2013). The Norwegian University of Science and Technology (NTNU). “Language is in our biology.” ScienceDaily. 27 May.